L'Orpheline des Glaces
A ma "family" ( Yann, Maï, Vincent, Hervé, Mégane, Aude et j'en oublie), à tous les autres de la coxi, aux Maraudeuses, à mes cousins, à ma famille, et (le meilleur pour la fin =) ) à mon n'Ange Terry.
Elle regarda la vaste plaine blanche parsemée de sapins, encerclée par les montagnes aux pentes abruptes et aux sommets déchiquetés. Le vent glacial lui balaya le visage, faisant voler ses cheveux noirs comme l'ébène, puis vint s'engouffrer dans la fourrure de Silka, la chienne des montagnes.
Toutes deux régnaient sur l'étendue glacée qu'elles contemplaient silencieusement, attentives au chant de la glace qui frémissait sous les caresses du soleil, aux grondements sourds des sapins qui protestaient contre le poids de la neige fraîche qui recouvrait leurs branches d'un manteau épais et luisant.
Silka sentait que sa maîtresse était inquiète, sa respiration était moins sereine qu'à l'accoutumé, la flamme de ses yeux vacillait lorsque son regard se perdait à l'horizon. Le matin, elle avait vu des hommes s'installer plus au sud. Ils avaient des traineaux, leurs chiens dormaient devant les tipis dont ils avaient hérissés le plateau :
"Demain, nous irons les observer, décida-t-elle. Viens Silka, rentrons."
La jeune fille et sa chienne rentrèrent dans leur grotte. Creusée à même la roche par le vent et le froid, le caverne était profonde, mais pas très haute. Au fond, une peau d'ours était étalée sur le sol et un petit feu était allumé et la jeune fille y faisait cuire des morceaux de caribou qu'elles avaient ramené de leur chasse du matin. Après le modeste repas, la chienne et la jeune s'allongèrent sur le drap de fourrure. La jeune fille ferma les yeux et écouta. A côté d'elle, le souffle calme de Silka la réchauffait. Dehors, le vent était devenu plus fort et une tempête de neige s'annonçait. La jeune fille aux cheveux noirs avait toujours craint les tempêtes dpeuis qu'elle s'était égarée au milieu de ce désert blanc, loin de son peuple de nomade, il avait 7 ans de cela...
Lorsque le vent se calma enfin, la jeune nomade s'endormit. Elle rêva de son peuple, de sa mère, de tempête de neige, elle entendait résonner dans sa tête ses cris d'enfant, apellant sa mère et son grand frère : "Tilcha! Ritso ! Tilchaaaa !!!"
*
* *
Lorsqu'elle se réveilla, elle trouva Silka assise à l'entrée de la grotte, fixant l'horizon : "Oui silka, nous irons voir tout à l'heure.
Pour l'instant, il nous faut manger." Le chienne se leva, se dirigea vers le brasier et poussa du museau un restant de caribou dans les braises. Sa jeune maitresse sourit.
*
* *
Arrivées à proximité du campement, Silka et la jeune fille s'arrêtèrent. Elles montèrent sur un congère et observèrent. Quelques enfants jouaient dans la neige, les plus jeunes somnolaient, accrochés dans le dos de leurs mères, occupées à dépecer le gibier de la veille, à laver et sécher les peaux. Les hommes étaient absents. Juste, restait un jeune homme, assis à l'écart. Ses cheveux étaient aussi noirs que ceux de la maitresse de Silka, et ses yeux avaient la même couleur dorée. Ses mains taillaient une flûte dans un morceau de bois gelé. La jeune nomade le regarda longuement. Un gémissement de Silke la tira de sa contemplation. Elle posa sa main sur le toison de la chienne qui se calma. Elles rentrèrent dans leur caverne après avoir relevé les pièges, et trouvé un lièvre des neiges qui leur ferait le repas du soir, et du lendemain matin.
Cette nuit là, la jeune fille rêva du jeune garçon, de ses cheveux d'ebène, de ses yeux d'or, et elle remarqua alors qu'il avait autour du cou le même bijou qu'elle : un long collier que son père avait confectionné avec des dents d'ours et des os de caribous. Silka gémit doucement dans l'ombre.
Le lendemain, avant que le soleil en fasse luire le tapis blanc du plateau, Silka et la jeune fille retournèrent au camp. Le jeune homme était encore à l'écart, à sculpter sa flûte. Silka se tendit, prête à bondir vers lui, mais la jeune fille la retint d'un claquement de la langue. Le jeune homme entendit ce bruit qui lui sembla familier, et fixa le congère où étaient tapies la chienne et la jeune nomade d'un air triste : "Mon pauvre garçon, tu sais bien qu'elle est partie, elle a disparue dans la tempête avec sa chienne.... Et à 10 ans, il y a peu de chance qu'elle ai survécue, seule, dans le froid..."
Il avait prononcé ces mots à voix haute. Quand il eut fini, il mit sa tête dans ses mains, et se mit à pleurer. La jeune nomade vit la neige se parsemer de taches entre les pieds du jeune garçon. Lorsqu'elle saisit le sens de ces pleurs, Silka s'élança vers le jeune homme, sans que la jeune fille ne puisse la retenir. En attendant les jappements de la chienne, le garçon leva la tête et vit Silka se précipiter vers lui. Arrivée à ses pieds, elle s'arrêta et ils s'étudièrent. Le jeune homme reconnut la fourrure de jais et la tache en forme d'étoile entre les yeux de la chienne :
"Silka ... ? Silka, ma belle, c'est toi?"
La chienne lui répondit en lui léchant le visage de sa langue chaude. Le jeune se leva alors, mit se smains en porte voix en apella :
"Maïchka ! Maïchka ! Tu es là?
-Ritso ?! Ritso, c'est toi?! C'est vraiment toi ??"
La jeune fille dévala la pente douce et se jeta dans les bras de son frère :
"Oh Ritso ! Ca fait si longtemps !
-Maïchka .....
-Et Tilcha?
-Maman est morte dans la tempête en voulant te retrouver...
-Oh non.... Maman ..... une larme coula le long de la joue de Maïchka. Comment as-tu su que j'étais là?
-J'ai reconnu Silka, et tout à l'heure, j'ai entendu un claquement de langue... Il n'y a que toi qui sache calmer les chiens d'un claquement de langue...
- ... Ritso....
-Maïchka, petite soeur...."
Les deux jeunes gens restèrent ainsi dans le froid, puis Ritso emmena Maïchka dans son tipi :
"Demain, il faudra annoncer au chef que tu es revenue...
-Non !
-Mais ! Maïchka....
-Non, je ne peux pas rester....
-Maïchka ....
-Ritso, ça fait 7 ans que je vis seule, avec Silka. Je ne peux revenir vivre en communauté...
-Ca fait 7 ans que je t'attends tous les jours, reviens avec nous...
-Ritso ! Viens avec moi !
-Je ne peux pas Maïchka ! Je vais bientôt me marier tu sais ! Avec Adichka....
-A-t-elle changé?
-Non, elle est restée la jeune fille que tu n'as jamais aimé, répondit le grand frère en souriant.
- ....
-Oh Maïchka, reste avec nous, je t'en supplie....
-Je verrais Ritso, je verrais....."
Ce soir là, Maïchka s'allongea dans une couche chaude dans le tipi de son frère.
Lorsqu'il se fut endormi, elle se leva, dépose un baiser sur le front de son frère retrouvé et vite perdu, puis elle sortit. Plus rien ne bougeait, mis à part les chiens dont les flancs se soulevaient au rythme de leurs respirations tranquilles. Elle émit un petit sifflement et Silka vint la rejoindre. Toutes deux s'éloignèrent du camp dans la nuit noire et silencieuse du Nord.
Au matin, lorsque Ritso ouvrit les yeux, il sentit que quelque chose n'allait pas. Il regarda autour de lui et vit que la couche qu'avait occupé Maïchka était vide... Il se demanda d'abord s'il avait rêvé puis, en s'approchant, il vit par terre une mèche de longs cheveux noirs que Maïchka avait tréssée puis attachée avec des tendons de caribou, et laissée là, comme un cadeau d'adieu.
Ritso sortit alors du tipi, et, dans le froid mordant, il murmura, comme pour que le vent l'emporte :
"Maïchka, je t'aime petite soeur...."
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