Il est minuit, tout le monde dort. Moi pas tout à fait. Atmosphère de silence qui m’enveloppe délicatement. Je sais que je vais écrire, rompant ce silence de mes doigts sur le clavier. Cette nuit, je parle de moi.
~~~~~~J’ai toujours eu cette envie, étrange, sournoise, que l’on parle de moi, que l’on me fasse des compliments, que l’on me reconnaisse un quelconque talent… Je ne sais combien de scénarii j’ai déjà pu écrire, façonner, parfaire avec la précision d’un orfèvre, me scellant une destinée héroïque, que dis-je épique, voire tragique… voire les deux le plus souvent. La nuit, à la faveur de l’obscurité, de la solitude, mon ego se nourrit de ces noirs dessins.
~~~~~~Oui, voyez-vous, je me plais à penser à mes heures de gloire, me complais dans cette suffisance, si sordide, si abjecte. Et pourtant, et ce alors que j’essaie toujours à tout prix de ramener toutes les conversations sur mon humble personne, je rougis, me détourne, me décompose au moindre compliment, au moindre mot flatteur. Je m’emploie alors, incompréhensiblement, à me soustraire au supplice que constitue soudain le plus petit éloge. Un coup je rebondis sur une plaisanterie d’une autodérision déconcertante.. Une autre fois je joue au vrai vantard, moi le faux modeste. Ou, tout simplement, je m’éclipse. Comme la lune.
~~~~~~C’est si bête à dire, mais c’est une image qui me correspond si bien. Et puis je suis fatigué en cette nuit, alors je vous prierais d’être un tant soit peu indulgent.
~~~~~~Comme la lune je suis, donc. Une face toujours cachée par l’éclat de l’autre. Non pas que je sois lunatique, non- enfin je ne crois pas posséder ce défaut en particulier- mais voyez-vous tout chez moi va par paires, pour ainsi dire. Je m’aime- si vous saviez comme je m’aime- mais pour autant je ne peux penser à des choses que j’ai faites, que j’ai dites, sans me détester, me haïr, me décevoir. Je veux, je désire, j’exige être heureux, connaître le bonheur, vivre dans une extase suspendue indéfiniment dans l’espace et dans le temps, mais il n’empêche que je me complais dans un romantisme des plus mélancoliques. Qui a dit que la mélancolie était le bonheur d’être malheureux?… Une maxime qui me colle à la peau, imprègne mon cœur, et aveugle parfois mon esprit. De même, je suis sûr, peut-être me contredirez-vous, que les meilleures expériences, les meilleurs moments d’une vie sont ceux que l’on partage. Mais alors d’où vient ce plaisir que je trouve régulièrement dans le calme, presque placide, de ma solitude?
~~~~~~Face cachée et face de lumière forment un tout qui ne parvient jamais à trouver l’équilibre- moi. Alors je tourne et tourne, et peut-être un jour, je m’arrêterai. Soit que j’aurai percuté un astre en quête lui aussi de stabilité. Soit que la lumière se sera éteinte.
Il est tard, la lune brille malgré les nuages. Enfin elle reflète plus exactement la lumière d’un autre. J’ai longtemps cru que comme elle je ne faisais que retranscrire des idées que je captais, dans l’air, dans la nuit. J’ai écrit tant de choses qui ne sont pas moi. Mais cette nuit je sais que je ne suis pas une de ces lunes qui trompent ainsi leur mondes. Cette nuit j’ai écrit avec mon cœur. Je me suis livré à vous. Je me suis livré à moi. Grâce à vous. Cette lumière est mienne. Cette lumière est vôtre.