Je suis assise là, sur le quai silencieux. Le léger souffle qui vient du nord balaie les quelques mèches qui frôlent mon visage en une caresse presque imperceptible. Le soleil perce le voile de nuage qui emplie le ciel et ses rayons se posent sur ma figure.
Je suis bien.
Un mélange indescriptible de joie et de béatitude m’envahit, et tout me semble évident.
C’est pour ça que je suis sur Terre, pour savourer ces moments solitaires, loin de bruit des autres, loin du bruit de la ville, pour éprouver le soleil sur mes joues, pour sentir jouer le vent dans mes cheveux, pour voir combien il fait bon vivre ici bas.
Je suis née ici, j’ai toujours respiré cet air, mais aujourd’hui c’est différent.
Aujourd’hui, je comprends. Je comprends ses effluves verts de printemps, ses senteurs d’été, son parfum doré de l’automne, et son odeur fraîche au cœur de l’hiver...
Un pétale se détache du bouquet de roses que tient l’homme qui vient d’arriver, et se pose sur mon visage renversé. Je le saisis entre deux doigts et respire l’âcre parfum qu’il dégage. Puis je souris. Je souris au monde entier.
Dans un fracas épouvantable, le train s’arrête, me tirant de ma rêverie.
Il est midi trente trois.
Je monte dans la voiture qui m’emmène irrémédiablement vers cet ailleurs. Ailleurs que je ne connais que trop.
La grande ville.
La grande ville et sa fumée qui asphyxie les fleurs.
La grande ville et ses immeubles immenses qui cachent le ciel,
La grande ville et ses trottoirs gris où les passants te défient du regard...
On était pourtant bien chez moi....