J’enlève mes chaussures. Je plie mes vêtements. Je range mes albums. Tous ces visages qui me sourient, me sondent, m’indisposent. Voilà ma vie. Ma vie est la leur, mais la leur n’est pas la mienne. C’est une mosaïque éclatée, un engrenage incomplet. C’est un ensemble de particules que j’ai voulu rassemblées ; elles ne le peuvent pas. Elles ne s’assemblent pas, elles ne se ressemblent pas. C’est des mains qui s’ouvrent pour moi mais que je ne peux serrer. J’essai encore et encore de refermer mes doigts sur leur chaleur ; je ne le peux pas. Elles m’irradient, me rongent, me tuent. C’est un orage, un ouragan, un tourbillon ,une bataille, une agonie, une alchimie de cauchemar qui m’emprisonne, me brûle, me creuse, me vide.
Une statue de glace. L’hiver m’habille de son manteau de pourpre et de sang. On dit que le froid mord, on dit que le froid tue. Pourtant je ne meurs, je ne suis que figé. J’attends que la faucheuse vienne me sauver. Le noir spectre sur l’immaculé tapis blanc, son ombre glissant sur les florissants flocons, viendra me sortir de mon glacial cocon, cueillir le fruit de son hivernale moisson.
J’enlève mes vêtements, dissimule mes albums, et je m’étends lentement. Je laisse l’obscurité m’engloutir, simplement.